Photos © Ville hybride
Synthèse par Jacques Paquier, le Journal du Grand Paris
Le Club Ville hybride-Grand Paris a réuni des représentants de la nouvelle génération pour qu’ils s’expriment sur le monde d’après appliqué à la fabrique de la ville. Parmi les thèmes abordés : renforcement de la mixité fonctionnelle des territoires, nouvelles solidarités multiscalaires, conception renouvelée de la densification et de la conception des espaces publics.
« De très grandes transformations commencent à poindre », a rappelé Michaël Silly, président du club Ville hybride, en ouverture de ce second webinaire sur la nouvelle génération du Grand Paris : les sujets de la santé et de l’éducation qui vont être réinvestis ; l’organisation du travail avec la massification du télétravail ; la relocalisation d’une partie des activités stratégiques agricoles et industrielles avec un impact fort sur les villes et leur hinterland ; l’évolution des usages de l’espace public qui pourrait être l’un des effets les plus visibles de cette crise. Avec en filigrane : la valeur attribuée à la dépense publique », a résumé le sociologue.
Décorrélation
« Nous avons aussi pris conscience de la décorrélation entre plus-value sociale et sociétale et reconnaissance/rémunération », a souligné Séverine Chapus, de BNP Paribas real estate, qui a décrit quatre évolutions possibles : la mixité à toutes les échelles ; la mixité sectorielle, réponse systémique vers une l’autonomie des quartiers ; la chronotopie et le logement, « qui est le plus à même d’évoluer avec des investissements en faveur d’un cadre de vie plus sûr ».
« Le besoin de mixité apparaît de façon évidente, a confirmé Simon du Moulin de Labarthète directeur général de l’Agence d’urbanisme du Havre et de l’estuaire de la Seine (AURH). Nous assistons à un paradoxe : repliés dans nos logements ou à moins d’1 km mais dans une crise plus pilotée par l’Etat que par les collectivités locales, a-t-il poursuivi. On a beaucoup parlé d’interdépendance des territoires mais il faut interroger ce que les territoires s’apportent car, dans ces échanges, il y a toujours des gagnants et des perdants. La trop forte spécialisation nuit à la résilience », estime-t-il.
« La crise réinterroge nos pratiques : nous parlons depuis quelques années d’urbanisme favorable à la santé et cette conception va évoluer ainsi que nos projets urbains, existants, en développement ou à venir », a indiqué Jean-Baptiste Rey (Epamarne-Epafrance).
Densifier la 1re couronne, sanctuariser la 2nde
Pour Séverine Chapus (BNP Paribas real estate), « le modèle métropolitain peut rester pertinent, le condamner conduirait à l’étalement urbain ». « Il faut aussi avoir le courage de densifier le pavillonnaire de 1re couronne, de sanctuariser les terres de 2nde couronne, a-t-elle souligné. A l’échelle micro du logement et de l’espace public, revenons au back to basics : l’éclairage naturel, l’acoustique, les espaces extérieurs (balcons, terrasses), les espaces à vivre pour la cohabitation, voire des espaces sanitaires pour se faire tester (à l’image des salles de shoot). Il y a une pression pour des logements plus spacieux mais, soyons réalistes, le pouvoir d’achat va décroître : résoudre l’équation par le foncier solidaire, le démembrement », a-t-elle estimé.
« L’espace public est un élément majeur, a rappelé Julien Peyron (Société du Grand Paris). Avec le confinement, nous vivons une échelle rabougrie qui rejoint peut-être celle de « la ville du quart d’heure », a-t-il poursuivi. Avec « les places du Grand Paris » nous avons montré que les espaces publics ne devaient plus seulement être des espaces fonctionnels avec des pulsations aux seules heures de pointe mais que nous pouvions renverser l’approche pour créer des centralités, des lieux de vie. La question du taux d’usage, de l’intensité d’usage est plus centrale que celle de la seule densité. Il faut aussi revoir la programmation des immeubles avec une mixité et une réversibilité des usages. »
L’hyper-proximité réinterrogée
Selon Aurélie Cousi, la question de la densité se pose : dans la métropole, beaucoup d’emplois sont « télétravaillables », ce qui remet en question, estime-t-elle, la valeur économique de l’hyper-proximité qui était celle des clusters. « Ce sont plutôt les activités productives, l’autonomie, les échelles de solidarité qui s’imposent », a-t-elle poursuivi. Pour la directrice de l’architecture au ministère de la Culture, la densité peut être pensée hors métropoles, les micro-mobilités développant les mêmes vertus de non-étalement urbain.
Le jeu d’acteurs publics/privés a un rôle essentiel, a également estimé Séverine Chapus. Selon elle, il faut réancrer la responsabilité territoriale des entreprises. « Il y a une énorme responsabilité de la maîtrise d’œuvre publique pour renforcer les critères de responsabilité sociétale, les exigences de réversibilité. Le monde collectif/associatif offre une opportunité d’urbanisme de projet, d’urbanisme tactique, il crée un lien de confiance et permet l’émergence de l’intelligence collective. »
Pour Julien Peyron également, la responsabilité du donneur d’ordre public est majeure. « Oui, il faut être à ce rendez-vous ! », a-t-il lancé. 30 % de la construction dépendent de donneurs d’ordre public, a rappelé Aurélie Cousi. « Ces derniers doivent orienter vers un mode de construction évolutif et réversible et exprimer des exigences pour les matériaux », a-t-elle ajouté. Selon la directrice de l’architecture, le public doit également accompagner les filières économiques, les sécuriser. « L’échelle du collectif et du local est celle de la créativité et du lien social, c’est l’échelle du commun, à l’instar de Saint-Vincent-de-Paul et des Grands voisins », a-t-elle conclu.